Maison de la Forêt (Isigny-Omaha Intercom), Université de Caen Normandie, Office du tourisme d'Isigny-Omaha, MRSH (Maison de la recherche en sciences humaines), Pôle Rural de la MRSH de Caen, ESO-Caen (UMR 6590 Espaces et Sociétés), IDEES-Caen (UMR CNRS IDEES)
Pôle Rural de la MRSH de Caen
Maison de la Forêt
En novembre 2022, le Pôle Rural publiait un important ouvrage intitulé Forêt et Territoire. Au cœur et autour de la forêt de Cerisy, des ducs de Normandie à nos jours, clôturant les travaux d’une enquête débutée en 2015. Cette enquête a permis de proposer, pour la première fois, une histoire pluridisciplinaire de ce massif forestier sur le temps long. Aujourd’hui, le Pôle Rural poursuit ses travaux en lançant la seconde phase de l’enquête afin de mieux appréhender un espace forestier encore peu travaillé par la recherche scientifique.
C’est dans cette perspective qu’un atelier « Dans et autour des forêts normandes » a été proposé dans le cadre du TURFU Festival. Il a consisté à solliciter toutes personnes désireuses de « raconter la forêt de Cerisy », en apportant divers documents et en offrant leurs témoignages qui puissent éclairer les activités présentes et passées de ce massif forestier et sa périphérie. Les participants ont pu ainsi transmettre, partager et sauvegarder la mémoire de leur forêt. L’atelier a également proposé un espace d’expression pour les plus jeunes sur la proposition suivante : « À quoi ressemblera la forêt dans 100 ans ? »
Mieux connaître et faire connaître la forêt, témoigner de son évolution, participer à la mise en place d’un réseau de collecte de documents privés et de témoignages sur la forêt de Cerisy et ses environs, en somme « écrire une biographie populaire de la forêt de Cerisy », tels ont été les enjeux de cette journée de recherche participative.
Intervenant·e·s :
Élisabeth RIDEL-GRANGER (Ingénieure de recherche au CNRS, codirectrice du Pôle Rural de la MRSH de Caen)
Philippe MADELINE (Professeur de géographie à l’université de Caen (ES0), codirecteur du Pôle Rural de la MRSH de Caen)
Aurélie LAINEY (Animatrice, responsable de la Maison de la Forêt, directrice-adjointe de l’Office de tourisme d’Isigny-Omaha)
Jean-Michel CADOR (Maître de conférences en Géographie à l’université de Caen, membre du laboratoire IDEES-Caen)
Blandine PAREY (Technicienne au CNRS rattachée à IDEES-Caen et à la MRSH (Pôle Rural))
Michel DAEFFLER (Docteur en histoire et membre du Pôle Rural de la MRSH)
Jean-Philippe RIOULT (Maitre de conférences en Mycologie à l’université de Caen, membre de l’unité de recherche ABTE)
Marie-Laure COMPANT LA FONTAINE (Professeure certifiée en documentation, documentaliste à la MRSH, responsable des archives du Pôle Rural de la MRSH)
Agnès MARIE (Agent du patrimoine au Molay-Littry, en charge des musées de la Mine et de la Meunerie)
À la recherche de vestiges historiques
Échange entre Jean-Michel Cador, géographe, et Vincent Cazin, photographe animalier et habitué de la forêt de Cerisy : focus à l’aide du GPS pour localiser des structures anthropiques en forêt (fontaines, lavoirs, vestiges de la Seconde Guerre mondiale…).
Échanger autour de la biodiversité
Recueil de données par Jean-Philippe Rioult, mycologue, auprès d’habituées de la forêt de Cerisy sur les biodiversités végétale, fongique et animale. L’échange s’est poursuivi sur les pratiques cynégétiques de la fin du XXe siècle.
Se repérer en forêt
Discussion avec Élisabeth Ridel-Granger, linguiste spécialisée en toponymie, autour des lieux-dits forestiers (allées, cantons, etc.) : découverte de l’histoire de la forêt à travers les noms sur une carte apportée par une promeneuse.
Dessiner la forêt avec les enfants
Deux enfants offrent leur vision de la forêt de demain, en la dessinant sous le regard attentif d’Aurélie Lainey, responsable de la Maison de la forêt. Arbres, fleurs et animaux existent encore !
Découvrir la gestion de la forêt par l’ONF
Sébastien Étienne, ingénieur de l’ONF et responsable de la Réserve Naturelle Nationale de Cerisy, explique les réalités de son métier à Marie-Laure Compant la Fontaine, documentaliste et Blandine Parey, géographe.
Ont été abordés la gestion forestière, le suivi des inventaires du patrimoine naturel, la pédagogie et la communication auprès d’un public souvent peu au fait de la législation et des pratiques forestières.
Observer la forêt
Plusieurs participants nous ont fait part de leurs observations en forêt (données photographiques et témoignages) : plantes, champignons, bois de cerfs, animaux pris en instantané.
La photographie transmise par une promeneuse représente un cèpe de Bordeaux (Boletus edulis), commun et recherché dans nos forêts normandes dès la fin de l’été. L’ONF a d’ailleurs édité une charte du cueilleur de champignons et limité les jours de récolte pour préserver la ressource fongique.
Chasseur d’images
Un précurseur de la photographie animalière en forêt de Cerisy, Daniel Jeanne, nous a apporté l’un de ses carnets de chasse photographique réalisé entre l’automne 1980 et l’automne 1982.
Ce document d’un grand intérêt se présente sous forme d’un journal illustré des photographies de l’auteur. Il renferme de précieuses informations sur les grands animaux de la forêt (cerfs et biches, chevreuils, sangliers, renards) et l’évolution de leur population, sans oublier les impressions personnelles - souvent poétiques - de son rédacteur. D’autres carnets de cet auteur et d’un autre photographe animalier (Vincent Cazin) vont nous être transmis prochainement.
L'opération de martelage
Sébastien Étienne, ingénieur de l’ONF et responsable de la Réserve Naturelle Nationale de Cerisy, expose la pratique du martelage en forêt qui consiste, à l’aide d’un « marteau », à marquer les arbres qui seront abattus. Le marteau du technicien forestier se présente comme une hachette, avec un tranchant qui permettra de réaliser le flachis, entaille de l’écorce destinée à recevoir l’empreinte inscrite sur le talon (hexagone entourant les lettres en gothique « AF » (Administration Forestière). Le haut du marteau porte le numéro du technicien, attribué à sa prise de poste ; ces numéros sont déposés au Tribunal d’Instance.
À partir de 1960, la marque est apposée sur la souche et à une hauteur de 1m30 des deux côtés mais dans les années 1990, la pratique évolue avec l’introduction progressive des bombes de peinture et désormais le marquage au marteau en hauteur ne concerne plus que les arbres d’un diamètre supérieur à 40cm.
Il existe trois catégories de marteaux : d’une part, ceux des techniciens forestiers (un marteau pour le martelage des « petits bois » et faibles volumes, et un marteau spécifique pour les chablis), et d’autre part, ceux du responsable d’unité utilisés lors des opérations collectives (tous bois, tous volumes) qui rassemblent des techniciens de plusieurs forêts (Cerisy et Saint-Sever par exemple).
Lors de ces « virées » collectives, le technicien du triage avance en premier, suivi parallèlement et en retrait par le second technicien qui opère en fonction de ce qu’a déjà fait le premier, suivi par le troisième, etc. ; en bout de parcelle, la virée se poursuit en sens inverse (cf. schéma). Le directeur de martelage (chef de groupe ou responsable d’unité) reporte sur une feuille les arbres martelés criés par les techniciens, avec mention des diamètres et hauteurs de découpe.
Chasser en forêt
Si la chasse à courre, disparue en 1977 en forêt de Cerisy, utilisait pour communiquer avec les chiens courants une trompe de chasse en métal, la chasse à tir (à l’arrêt ou aux chiens courants) emploie souvent des cornes d’appel, comme celle présentée sur la photographie. Cette corne de bovidé polie et munie d’une anche vibrante nous a été apportée par une personne originaire de Cerisy-la-Forêt, dont le père se servait pour rappeler ses chiens.
La forêt de demain dessinée par les enfants
Contrairement à la morosité ambiante, les enfants ont représenté, de manière plus ou moins figurative et avec espoir, la forêt de Cerisy dans le futur. Si les arbres y sont toujours présents, les animaux varient et le dessin choisi révèle un don d’observation de l’artiste en herbe, puisqu’il représente de nombreux écureuils, un sanglier, des oiseaux, des fleurs, un feuillu et un résineux.
L’absence de cervidés dessinés met en lumière le décantonnement de ces animaux sur le pourtour de la forêt. Le loup, en bas à droite, est certainement en rapport avec les observations récentes de ce canidé, en dispersion dans le Bessin, diffusées par les médias.
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